La lutte contre le racisme prend un nouvel élan grâce au Plan wallon 2023-2026
Clarifiée par différents arsenaux légaux tant au niveau national que régional, la lutte contre le racisme reste un combat de tous les instants en Belgique. Pointé du doigt en 2019 par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), notre pays s’est vu paré de l’étiquette « peu mieux faire », avec un constat que, certes, des progrès ont été réalisés en matière de lutte contre le racisme, mais que certains points restent préoccupants. Le 31 mars dernier, la Wallonie a avalisé un plan en 38 mesures qui constitue sa contribution au plan interfédéral, commun avec Bruxelles et la Flandre, qui est, lui, toujours en construction.
Le racisme est loin d’être éradiqué en Wallonie, comme dans le reste du pays. En 2021, Unia (l’institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances en Belgique) avait vu son nombre de dossiers ouverts augmenter de 9% par rapport à l’année précédente et de 12% par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, avec toujours une nette prédominance des discriminations portant sur les critères raciaux (35%). De plus, une série d’éléments ont semblé aggraver la situation, comme la montée des populismes et des extrémismes, l’émergence d’une parole raciste et xénophobe décomplexée, les amalgames réguliers entre terrorisme et phénomène migratoire, etc. Autant d’éléments qui ont démontré la nécessité et l’urgence d’agir dans une logique de coordination au niveaux national et régional, et de coordination entre les niveaux de pouvoir.
Depuis septembre 2020, les travaux se poursuivent pour aboutir à un plan interfédéral qui devrait concrétiser les engagements pris par la Belgique à Durban en 2001 et matérialiser ses obligations au niveau national et international. Ce plan a été structuré en deux parties : une partie transversale reprenant les mesures communes à toutes les entités belges et une partie reprenant les engagements spécifiques des différentes entités, compte tenu de leurs compétences respectives. Le Plan wallon adopté est la contribution wallonne à ce plan interfédéral.
Un plan en 38 mesures
Le Plan wallon est adopté pour la période 2023-2026 et concerne la plupart des compétences régionales, avec des actions proposées portant sur l’emploi, l’économie, la fonction publique, la santé, le logement, la cohésion sociale, les pouvoirs locaux, la mobilité, les infrastructures sportives, etc. Il sera piloté par un comité de suivi composé de représentant.e.s du Cabinet de la Ministre de l’Égalité des chances, du Service public de Wallonie (SPW) Intérieur et Action sociale, d’Unia, du DisCRI, de la coalition NAPAR (coalition composée d’une soixantaine d’organisations belges qui mène des actions de plaidoyer pour un plan d’action interfédéral contre le racisme), ainsi que de représentant.e.s de chaque cabinet de la Wallonie associé à la mise en œuvre du plan.
Le Plan wallon, repris dans un document de 33 pages, est composé de 38 mesures réparties en 9 volets correspondant à autant de thématiques. Le premier volet vise à mener une politique intégrée en matière de racisme. Il comprend deux mesures : l’élaboration d’une procédure visant à analyser les politiques publiques au regard de différents critères de discrimination et la création d’un Conseil régional wallon de lutte contre le racisme. Le deuxième train comporte cinq mesures : soutenir le secteur associatif par la diffusion récurrente d’appels à projets pour leurs actions qui participent à la lutte contre le racisme et à la promotion de l’interculturalité, lutter contre le racisme à travers des Plans de cohésion sociale, former, informer et sensibiliser les pouvoirs locaux à la lutte contre le racisme, développer une communication inclusive du SPW et des UAP (Unités d’administration publique) et enfin, promouvoir une approche intersectionnelle et transversale dans le processus de généralisation de l’Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS).
Informer et accompagner les victimes de racisme
Le troisième volet du Plan wallon inclut trois mesures ambitionnant de lutter contre le non-recours aux droits, en informant et en accompagnant les victimes de racisme. Ces mesures sont : évaluer la législation wallonne en matière de lutte contre les discriminations, faire connaître la législation wallonne en matière de lutte contre les discriminations et visibiliser les points de signalement, et enfin mieux informer les personnes primo-arrivantes en matière de lutte contre les discriminations durant leur parcours d’intégration.
Le quatrième volet a pour objet de renforcer la diversité et lutter contre les discriminations sur le lieu de travail et sur le marché de l’emploi. Ce quatrième volet, le plus copieux, se subdivise en quatre sous-domaines qui regroupent à eux seuls un total de pas moins de 18 mesures. Le premier de ces sous-domaines vise à soutenir et développer la politique de diversité et de non-discrimination dans le secteur privé. On y retrouve trois mesures : promouvoir et soutenir la mise en place de plans portant sur la non-discrimination et la diversité au sein des entreprises wallonnes, proposer aux employeurs un outil d’évaluation afin qu’ils puissent déceler les discriminations au sein de l’entreprise, et intégrer la dimension du respect de la diversité dans les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) destinés à évaluer la performance des entreprises qui font appel à Wallonie Entreprendre, le nouvel outil économique wallon.
Intégrer davantage le Forem dans la mise en place d’un politique inclusive
Le deuxième sous-domaine reprend deux mesures qui visent à renforcer la détection des pratiques discriminatoires sur le marché du travail. Ces deux mesures sont : mettre en place des tests de situation dans le cadre des compétences de la Région wallonne en matière d’emploi et renforcer le système de veille qualité du Forem dans le cadre de la diffusion des offres d’emploi. Le troisième sous-domaine comporte, lui, huit mesures axées sur la perspective d’intégrer davantage le Forem dans la mise en place d’une politique plus inclusive et de renforcer les actions qui ciblent les groupes-cibles en vue de favoriser leur insertion sur le marché de l’emploi.
La première de ces mesures est d’intégrer une charte éthique dans le cadre du recours aux tiers par le Forem. La deuxième est de diversifier les canaux de communication du Forem. La troisième est de mener une mission observatoire de l’offre et des besoins en matière d’alphabétisation et de français langue étrangère (FLE), et de coordonner l’offre de formation en la matière. La quatrième est d’augmenter les compétences des personnes d’origine extra-Union européenne. La cinquième est de renforcer la reconnaissance des compétences des groupes-cibles par la formation en milieu de travail et la certification des compétences. La sixième est de soutenir l’insertion des personnes issues de l’immigration, éloignées de l’emploi, dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre. La septième est de soutenir l’intégration des jeunes issus de l’immigration sur le marché de l’emploi via le mentorat. Et enfin, la huitième est de développer l’application FACT (First Aid Communication Tool), outil de communication de premier secours qui traduit le vocabulaire sur le lieu de travail.
Le quatrième et dernier sous-domaine reprend, lui, cinq mesures ayant pour dénominateur commun de soutenir et développer la politique de diversité et de non-discrimination dans le secteur public. La première mesure est d’évaluer et prolonger le plan d’action 2018-2020 de la Charte Diversité et Égalité. La deuxième est de mettre en place des « référents égalité » au sein des différents départements de l’administration. La troisième est d’inclure la thématique de la diversité dans les formations dispensées aux agents. La quatrième est de réaliser des auto-évaluations afin d’encourager les bonnes pratiques en matière de lutte contre les discriminations raciales. Et la cinquième est de rendre l’étape du recrutement plus accessible et transparente.
Favoriser une politique inclusive
Le cinquième des neuf volets répertoriés dans le Plan wallon concerne, pour sa part, le fait de mener une politique inclusive en matière de santé, de bien-être et de l’aide aux personnes, et comprend, lui, six mesures. La première de ces mesures est de développer un module de sensibilisation au racisme à destination de tous les secteurs de l’AVIQ et du SPW Intérieur et Action sociale. La deuxième est de renforcer le suivi des réclamations introduites par les résident.e.s des établissements agréés pour personnes en situation de handicap et pour les aînés. La troisième est d’adapter les rapports d’activités des médiateurs hospitaliers, en y incluant le nombre de plaintes reçues pour discrimination. La quatrième est de lutter contre les disparités ethniques et les discriminations liées au racisme dans le secteur de la prévention et de la promotion de la santé. La cinquième est d’identifier les discriminations dans l’accès aux soins de manière à y remédier. Et la sixième est de renforcer le recours aux droits par la diffusion des informations sur les actions et acteurs compétents en interprétation en langues étrangères et en matière de lutte contre le racisme.
Les quatre derniers volets du document reprennent chacun une seule mesure, correspondant à une thématique spécifique. Le sixième volet reprend la lutte contre le racisme en matière de logement avec fort logiquement, pour unique mesure globale, le fait de… prévenir, détecter et lutter contre les discriminations en matière de logement. Le septième volet concerne la lutte contre les discriminations dans l’espace public et prescrit de lutter contre les discriminations et le racisme dans les transports publics. Le huitième volet veut promouvoir la diversité et lutter contre le racisme dans le sport avec, comme mesure, le fait de faire connaître la charte éthique et les actions y relatives par les porteurs de projet en matière d’infrastructures sportives. Et, pour terminer, le neuvième et dernier volet, se centre sur l’amélioration de l’intégration des gens du voyage et des Roms, via une mesure globale qui est d’améliorer l’accueil et l’intégration des gens du voyage.
Toutes les mesures ainsi listées et sommairement décrites forment donc l’ossature du Plan wallon de lutte contre le racisme pour les quatre prochaines années. Elles constitueront la contribution de la Wallonie au plan interfédéral du même nom qui attend toujours, pour l’heure, le plan rédigé par la Flandre.
Dominique Watrin
Le Plan wallon peut être consulté et téléchargé via le lien suivant :
https://www.wallonie.be/sites/default/files/Plan%20racisme%20RW_23-03-30-DEF_0.pdf