La plateforme namuroise de lutte contre le racisme a sorti son mémorandum pré-électoral en privilégiant le logement, l’emploi et les services publics
L’approche des élections fédérales et européennes est l’opportunité pour les associations et institutions militantes de formuler leur cahier de priorités et revendications à adresser aux futurs élus, à l’aube du scrutin. C’est le travail de fond qu’ont effectué une série d’acteurs namurois come le CAI (Centre d’Action Interculturelle de Namur) impliqués, de manière permanente, dans la lutte contre le racisme. Regroupés sous la bannière de la Plateforme de lutte contre le racisme et les discriminations de la province de Namur, ils ont rédigé un mémorandum d’une quinzaine de pages reprenant leurs recommandations en matière de racisme, illustrées de témoignages.
La Plateforme de lutte contre le racisme de la province de Namur a été créée en 2016, sous l’impulsion du Centre d’Action Interculturelle qui n’est autre que le centre régional local d’intégration des personnes étrangères. Une quarantaine d’acteurs associatifs et institutionnels (Province, villes, syndicats, centres culturels, etc.) la composent dans le but de mettre leurs énergies en commun afin de visibiliser la question du racisme auprès du grand public et d’interpeller les pouvoirs politiques. Pour mener à bien son combat contre le racisme, cet acteur collectif organise diverses activités de sensibilisation pour des publics variés et se mobilise pour agir concrètement contre les discriminations raciales (fêtes, tables rondes, speed-meeting, films débats, webinaire, émission télévisées, etc.).
Huit recommandations transversales
Le mémorandum qui vient d’être publié se concentre sur les thématiques le plus importantes puisées dans des constats de terrain et est complété par des témoignages rapportés par les associations partenaires et/ou leurs publics. Les problématiques retenues sont au nombre de trois : le logement, l’insertion socioprofessionnelle (emploi) et l’accès et les relations avec les services publics, le tout chapeauté par les série de huit recommandations transversales.
La première de ces recommandations plus généralistes est d’encourager et soutenir les acteurs à mettre en place des actions/mesures de lutte contre le racisme et la discrimination raciale (formations, actions de sensibilisation, etc.). La deuxième est de valoriser la diversité culturelle présente sur le territoire local et provincial. La troisième est de condamner tout acte de racisme et de discrimination survenant sur le territoire communal et provincial et de réaffirmer l’engagement du conseil communal en faveur d’une société riche de sa diversité. La quatrième est d’adapter les différents plans et de proposer un plan local de lutte contre le racisme répondant aux contextes propres aux échelons locaux.
La cinquième est d’offrir aux professionnels des outils théoriques et pratiques permettant de déconstruire les stéréotypes et préjugés menant à une polarisation et nourrissant les discours de l’extrême droite. Il s’agit aussi de les former à porter une vigilance accrue à toute forme de discrimination avec les critères protégés dits « raciaux » (prétendue race, couleur de peau, nationalité, ascendance et origine nationale ou ethnique). La sixième recommandation est de favoriser un accès à chacun, peu importe son origine ou son statut, aux associations sportives et culturelles, ainsi qu’aux comités de quartier. La septième est de soutenir structurellement les emplois de ces secteurs afin de les pérenniser et de permettre la construction d’un lien de confiance du secteur socioculturel avec le public sur le long terme et ainsi favoriser son implication. Enfin, la huitième est d’adapter les différents plans de lutte contre le racisme au niveau local.
Faire du logement une priorité politique
Sur le plan spécifique du logement, présenté comme une priorité pour son public depuis de nombreuses années, la plateforme invite les responsables politiques à poursuivre leur efforts mais surtout à également en faire une priorité politique pour pallier la pénurie de logement. De plus, plusieurs études attestent que le taux de discrimination est encore très élevé dans le domaine, sur le territoire local namurois comme dans d’autres. Dans le volet des discriminations au logement concernant les critères raciaux, le collectif formule trois recommandations. La première est de favoriser les initiatives de sensibilisation auprès des associations représentatives du secteur immobilier privé. La deuxième est de renforcer les contrôles à l’aveugle. Et la troisième est d’augmenter l’offre de logements sociaux adaptés aux familles nombreuses et monoparentales qui sont fortement présentes au sein de nos publics et, concomitamment, de porter une attention particulière à la dimension intersectionnelle des discriminations au logement.
Le deuxième secteur privilégié par la plateforme en matière de recommandations est celui de l’emploi. Selon le dernier monitoring socio-économique qui l’évoque sur le plan chiffré, à Namur, le taux d’emploi est de plus de 65% chez les Belges, de 60% chez les personnes étrangères d’origine européenne et de moins de 45% chez les personnes étrangères issues de pays tiers. Le marché du travail local se divise globalement entre les personnes en possession d’emplois stables, à haute sécurité d’emploi et aux salaires élevés et celles, parfois hautement qualifiées, sont contraintes d’accepter des offres disponibles proposant des emplois à durée déterminée, à grande insécurité d’emploi et à salaires moins élevés. C’est dans cette dernière catégorie que se retrouvent beaucoup de personnes étrangères ou d’origine étrangère, victimes de discrimination à l’embauche.
Valoriser les initiatives entrepreneuriales des personnes migrantes
Face à cet état de fait, la plateforme namuroise liste cinq recommandations. La première est de lutter, à chaque échelon de la commune, contre les inégalités et discriminations pour renforcer la diversité dans tous les domaines, dont le marché du travail. Pour ce faire, la plateforme encourage à organiser des actions de communication et à mettre en place un comité de pilotage portant sur les actions positives liées à la diversité au niveau communal. La deuxième recommandation est de valoriser les initiatives entrepreneuriales des personnes issue des migrations, via l’organisation d’événements spécifiques, la mise en relation avec des organismes spécialisés et la diffusion d’informations sur l’accès à l’accompagnement.
La troisième recommandation est de faciliter les démarches concernant l’équivalence des diplômes, en prenant en charge les coûts d’introduction des dossiers et en assurant la gratuité des « copies conformes ». La quatrième recommandation est d’encourager les moments d’échange entres associations, entrepreneurs étrangers et d’origine étrangère, et organismes de crédit afin de faciliter l’accès à ceux-ci aux personnes porteuses d’entreprise. Enfin, la cinquième et dernière recommandation est de tenir compte des réalités linguistiques des personnes demandeuses d’emploi étrangères et d’origine étrangère.
Améliorer l’accès et les relations avec les services publics
Le troisième et dernier champ qui fait l’objet de recommandations de la plateforme namuroise est l’accès et les relations avec les services publics. Cet accès concerne différents secteurs comme, entre autres, l’enseignement, les soins de santé, la police et les services administratifs. Dans ces domaines, les publics rencontrés sur le territoire provincial témoignent de discriminations avérées ou ressenties. Sont notamment énoncées la non prise en compte des relations culturellement ancrées avec l’administratif, le manque de médiation interculturelle, la barrière linguistique, le manque de confiance envers l’autorité publique.
C’est sur ces éléments que se basent les recommandations émises par la plateforme. Elles sont au nombre de quatre. La première d’entre elles demande de vérifier le respect de la législation anti-discrimination, par exemple, via un comité de vigilance créé au sein de la commune ou via l’organisation de campagnes de tests de situation. La deuxième recommandation est de promouvoir et renseigner les relais existants pour traiter les problématiques en lien avec les populations étrangères ou d’origine étrangère. La troisième est de sensibiliser, informer et former les professionnels du secteur et leur large public, aux questions des relations entre les personnes étrangères et d’origine étrangère, et la police.
Faire de l’école un lieu d’apprentissage pour tous
La quatrième et dernière recommandation concerne l’idée générale de faire de l’école un lieu d’apprentissage pour tous. Comment ? Le mémorandum énumère huit propositions contribuant à y parvenir. La première est d’organiser des formations à l’interculturalité et à la lutte contre les préjugés et le racisme à destination du personnel des milieux d’accueil, de l’accueil temps libre et des écoles communales et provinciales. La deuxième est d’outiller les enseignants pour l’apprentissage du français à leurs élèves allophones et la valorisation de la diversité culturelle au sien de leur classe. La troisième est de sensibiliser les enfants à la diversité et à l’interculturalité, dès le plus jeune âge. La quatrième est de développer davantage de projets interculturels dans les écoles communales et provinciales, après avoir dégager les moyens pour les réaliser. La cinquième est d’engager, dans les écoles communales et provinciales, davantage d’enseignants représentatifs de la diversité. La sixième est de proposer, dans les écoles, des cantines scolaires qui intègrent la multiculturalité dans leurs menus. La septième est d’organiser un meilleur système de communication avec les parents étrangers pour le suivi scolaire de leurs enfants. Enfin, la huitième et de réinventer l’école en questionnant ses modes de fonctionnement, en vérifiant que l’apprentissage prenne en compte l’ensemble des élèves, leurs difficultés et leur vécu.
Dominique Watrin
Le mémorandum « Lutte contre le racisme et les discriminations » rédigé par la Plateforme de lutte contre le racisme de la province de Namur est disponible via le lien suivant :