Le CRIPEL décline sa campagne pré-électorale de sensibilisation “Je pense donc je vote” en quatre capsules vidéo explicatives
L’approche des deux scrutins, du 9 juin d’abord, du 13 octobre ensuite, est l’occasion pour la plupart des acteurs de la société civile de se positionner face aux partis et à leurs représentants qui brigueront les voix des électeurs. Les centres régionaux d’intégration de La Wallonie n’échappent pas à la règle. Après la publication de leur mémorandum commun (voir article déjà publié à ce sujet), ils intensifient leurs efforts sur la sensibilisation à leur cause. C’est dans ce cadre qu’il convient de situer la campagne « Je pense donc je vote » lancée par le CRIPEL (Centre régional d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège). Avec, pour visée, de s’adresser à la fois à son public et à une audience plus large.
La campagne de sensibilisation « Je pense donc je vote » est constituée de quatre capsules vidéo diffusées par le CRIPEL sur ses médias sociaux. Celles-ci durent approximativement trois minutes et sont construites sur un canevas identique en trois parties : un micro-trottoir relayant quelques avis de citoyens à propos d’une question posée, la réponse argumentée d’un expert à la question et, pour terminer, le message du CRIPEL sur la problématique. L’objectif commun de ces capsules vidéo est de déconstruire les préjugés que les Belges peuvent avoir à l’égard des questions migratoires.
Une frilosité dommageable des Belges face à l’immigration
La première de ces capsules pose une question de fond : « Les Belges sont-ils moins tolérants que les autres à l’égard de l’immigration ? ». Après les quelques opinions contradictoires recueillies lors du micro-trottoir qui ouvre chacune des vidéos, l’expert consulté dresse le tableau de la question. Jean-Michel Lafleur, directeur adjoint du CEDEM (Centre d’Etudes de l’Ethnicité et des Migrations) de l’ULiège détaille sa réponse. Il note tout d’abord que, selon plusieurs enquêtes européennes, les Belges figurent plutôt parmi les plus opposés à l’immigration, entre des pays plus ouverts comme l’Allemagne, et plus opposés comme la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie. L’expert nuance néanmoins le tableau en précisant que, seule, une petite minorité de Belges veulent une immigration zéro. Une légère majorité des Belges veulent cependant une immigration avec des restrictions, particulièrement à l’égard de certains types de migrants, comme les Roms et les migrants de confession musulmane.
Jean-Michel Lafleur explique notamment cette frilosité face à l’immigration par le fait que la Belgique a connu plusieurs vagues de migration importantes au cours des dernières années. Cette intolérance à l’immigration a des conséquences dans la vie quotidienne des immigré.e.s, notamment sur leur capacité à participer à la vie économique et sociale du pays, et sur leur bien-être. Le message final adressé par le CRIPEL, en la personne de la coordinatrice de son service de communication, Siobhan Renkin, rappelle la nécessité de lutter contre toute forme de racisme et de discrimination. À cet effet, il convient, selon ses dires, d’opérationnaliser à long terme les 38 mesures du Plan wallon de lutte contre le racisme, en concertation avec les différents niveaux pouvoirs et les opérateurs de terrain. Elle ajoute qu’il faut adopter une approche intersectionnelle, tout en menant un travail de sensibilisation sur la lutte contre les extrêmes et les processus de radicalisation.
Les étrangers, source de main-d’œuvre complémentaire
La deuxième capsule aborde une interrogation, basée sur une idée préconçue souvent ressassée : « Les immigrés occupent-ils les emplois des Belges ? » L’expert consulté à ce propos est Altay Manço, directeur scientifique de l’IRFAM (Institut de Recherche, Formation et Actions sur les Migrations). Il invite d’abord à redéfinir ce qu’est un.e Belge et ce qu’est un.e immigré.e, précisant qu’un.e Belge sur trois a des ascendants issus de l’immigration. Les personnes arrivées depuis peu d’années et qui sont sur le marché de l’emploi ne représentent pas plus de 10% de ce marché. Par ailleurs, à ses yeux, les étrangers représentent une source de main-d’œuvre complémentaire à ce que les Belges proposent, en raison notamment de facteurs démographiques tels que leur jeunesse. Cela démontre que l’immigration est une nécessité, à la fois pour assurer les pensions de retraite des travailleurs arrivés en fin de carrière et pour préparer des pénuries de main-d’œuvre qui se profilent déjà. À ses yeux, une ouverture du marché de l’emploi est totalement bénéfique pour le contribuable.
Face à ces constats, le message du CRIPEL est que l’engagement de personnes étrangères peut être une solution dans un contexte wallon de pénurie de main-d’œuvre, même si de nombreux obstacles à leur mise à l’emploi subsistent. Face à ce défi et en marge de certaines difficultés (surqualification, nécessité d’une nouvelle formation, etc.), l’accès à des formations professionnalisantes est jugé fondamental, y compris pour l’apprentissage de la langue française. Ces dispositifs permettent d’apporter une réponse adéquate aux besoins des entreprises et d’offrir aux personnes étrangères un accès plus rapide au marché du travail.
Reconnaître la différence et l’égalité
La troisième capsule évoque une problématique sensible aux yeux d’une frange de la population : « Les immigrés sont-ils bien intégrés en Belgique ? » L’experte qui s’exprime, Sandra Gasparotto, responsable de projet au CRIPEL, pose, pour commencer, la question de la définition de l’intégration. Est-ce s’intégrer ou intégrer ? Pour elle, l’un ne va pas sans l’autre. Il est impossible de s’intégrer dans un groupe fermé. Et, autre question, être intégré, signifie-t-il être assimilé, être absorbé, oublier ses origines, devenir invisible ? Selon elle, parler d’intégration implique la reconnaissance de la différence et l’égalité. Et ce processus demande aussi l’intégration en soi des grandes cultures des groupes auxquels on appartient (école, famille, société, etc.). L’intégration, c’est aussi participer pleinement à la vie de la société. Ce processus se heurte cependant à des obstacles (notamment du côté de la société, comme les discriminations, le racisme, etc.) face auxquels la société a mis en place des politiques, des lois et des dispositifs comme le parcours d’intégration.
Le message du CRIPEL est que l’intégration doit être un processus à double sens. Le vivre ensemble passe donc, pour la personne, par la connaissance de sa propre culture et de celle de l’autre. Le respect réciproque des cultures est le fondement même d’une politique inclusive. Et l’interculturalité est entretenue par une multiplicité d’actions menées aux quatre coins de la Wallonie. Il s’agit d’un enjeu transversal qui doit mobiliser l’action publique wallonne.
Les personnes étrangères, actrices et objets des élections
Enfin, la quatrième capsule s’attarde, toujours en un peu plus de trois minutes, sur la question de savoir si « Les immigrés ont-ils une influence sur les élections en Belgique ? » Sur cette thématique cruciale à la veille de scrutins décisifs pour l’avenir du pays, Jean Faniel, directeur général du CRISP (Centre de Recherche et d’Information Socio-Politiques), livre une réponse tout en nuance. Certain.e.s immigré.e.s sont électeurs/trices pour certaines élections, en particulier les ressortissant.e.s des États de l’Union européenne qui peuvent voter aux scrutins communaux et européens, alors que les extra-européen.ne.s ne peuvent voter qu’aux élections communales. Cela induit qu’il y a toute une série d’élections où ces personnes ne peuvent pas voter et que donc, elles ont une influence sur certaines élections et pas sur d’autres. En sus, certaines personnes sont immigrées, mais porteuses de la nationalité belge, et peuvent donc voter à toutes les élections.
L’autre élément qu’il faut prendre en compte, selon Jean Faniel, est que les immigré.e.s ne sont pas seulement acteurs/trices politiques ; ils sont aussi sujets ou objets de la politique. Nombre de partis, en particulier d’extrême droite, exploitent les craintes, voire la haine, à l’égard des immigré.e.s pour tenter de progresser sur le plan électoral et, ensuite, mener des politiques qui seront défavorables aux personnes immigrées.
Le message du CRIPEL repose sur le constat que les exigences vis-à-vis des personnes étrangères sont de plus en plus nombreuses. Leurs obligations se renforcent, mais pas toujours leurs droits. Elles peuvent voter au niveau communal mais les élections aux autres niveaux ne leur sont pas accessibles, à l’exception de l’Europe pour les personnes qui en sont issues. Leur taux de participation reste néanmoins trop faible aux communales à cause de la lourdeur administrative et de la méconnaissance de ce droit. Le CRIPEL suggère de faciliter les démarches pour lever certains freins et d’étendre les droits de vote des personnes étrangères au niveau régional dans les mêmes conditions. Il rappelle l’importance de favoriser l’accès au droit de vote des personnes étrangères, en menant des campagnes de sensibilisation et d’information.
Dominique Watrin
Les quatre capsules vidéo #JEPENSEDONCJEVOTE peuvent être consultées via les liens suivants :
- Capsule 1 « Les Belges sont-ils moins tolérants que les autres à l’égard de l’immigration ? » : https://www.youtube.com/watch?v=blT4efszoWM
- Capsule 2 « Les immigrés occupent-ils les emplois des Belges ? » : https://www.youtube.com/watch?v=X-VmOzuI7I8
- Capsules 3 « Les immigrés sont-ils bien intégrés en Belgique ? » : https://www.youtube.com/watch?v=Lf1klWOOQ0U
- Capsule 4 « Les immigrés ont-ils une influence sur les élections en Belgique ? » : https://www.youtube.com/watch?v=UEJpcfqMpP0
Ces capsules sont disponibles sur les pages Facebook, Instagram et Linkedin du CRIPEL.