Rapport d’activités 2023 de l’ONG “Justice et Paix” : l’extractivisme, la réconciliation des mémoires et la (re)militarisation de l’Europe comme lignes de force
Le rapport d’activités 2023 de l’ONG Justice et Paix a à son tour, dressé le bilan des actions qu’elle a menées au cours de l’exercice concerné. De l’aveu de sa présidente, 2023 « restera dans les annales comme une année de turbulences et de défis inédits ». Guerre en Ukraine, conflit dans la bande de Gaza, situation dans l’Est du Congo, sans oublier des conflits moins médiatisés comme ceux se déroulant au Yémen et au Haut Karabagh, l’exercice a été agité. Un exercice au cours duquel les mots combat et engagement, chers à Justice et Paix, ont pris tout leur sens.
Pour rappel, Justice et Paix est « une organisation d’éducation permanente qui conscientise et interpelle les citoyen.ne.s, les responsables politiques et les acteur.rice.s de l’éducation sur les questions de conflits, de démocratie et d’environnement ». Encourageant chacun.e à « comprendre pour mieux agir » pour la paix et la justice dans le monde, l’association cherche à « renforcer la responsabilité et la participation citoyenne, tant au niveau local que global ». Elle propose, en outre, « un modèle de société basé sur une coopération entre les pays pour créer les conditions d’une transition vers un monde plus juste, durable et rééquilibré », tout en soutenant activement la création d’alternatives.
Pour chacun de ses trois thèmes de travail, l’organisation Justice et Paix a une ligne de conduite bien établie. En matière de paix et sécurité, la problématique étant les conflits armés et sociaux, elle propose une culture de paix, avec comme alternatives les notions de mémoires et réconciliation. En termes d’environnement et de ressources naturelles, à la problématique de l’exploitation des ressources naturelles, elle prône un devoir de diligence, avec, comme alternatives, consommation et sobriété. Et, au niveau du thème de démocratie et citoyenneté, elle met en exergue les problématiques de pauvretés et inégalités, pointant du doigt gouvernance et élections, avec comme alternative une citoyenneté active.
Une présence multiple
Sur un plan statistique, Justice et Paix représente annuellement un volume d’environ 190 volontaires, plus de 2600 citoyen.ne.s sensibilisé.e.s et plus de 220 heures d’animation à Bruxelles et en Wallonie. La mouture 2023 de ces chiffres s’est révélée particulièrement impressionnante. Ce sont précisément 276 heures d’activités réalisées à Bruxelles et en Wallonie, près de 1800 citoyen.ne.s sensibilisé.e.s, 196 volontaires en action, 51 responsables politiques mobilisé.e.s, 76 enseignant.e.s formé.e.s, 27 articles et une étude rédigés, 6 visites de terrain et accueils de partenaires, sans oublier plus de 8000 abonné.e.s sur les réseaux sociaux.
Quels moments retenir dans cette année d’effervescence ? En 2023, les groupes de volontaires ont œuvré à la mise en place de différents projets, à savoir la création d’un podcast sur les conflits, l’organisation de projections-débats, la rédaction d’articles d’analyse, etc. Un groupe de travail centré sur la lutte contre l’impunité a également été lancé. Il s’est penché sur un processus de plaidoyer citoyen et un travail de réconciliation entre les diasporas de la région des Grands Lacs. Dans la région de Liège, un groupe de travail appelé « Déminocratie » a poursuivi un travail critique sur l’exploitation minière. Un cycle de conférences organisé à Bruxelles et en Wallonie s’est employé à mettre en lumière que les questions de conflits, d’armement et de remilitarisation soulèvent de nombreux enjeux politiques, économiques, sécuritaires et environnementaux. De même, les conflits actifs à Gaza et en Ukraine ont amené leur lot de questionnements, entre la montée de discours simplistes et racistes, voire islamophobes ou antisémites, et la nécessité d’analyser ce qui se joue sur la scène internationale et dans la sphère médiatique.
Mieux comprendre l’extraction minière et ses conséquences sur le pays
Le dossier congolais a, lui aussi, beaucoup occupé les devants de la scène en 2023. Après avoir plaidé, pendant trois ans, en Belgique et sur place, pour l’organisation d’élections transparentes, crédibles, inclusives et apaisées, en République Démocratique du Congo, Justice et Paix a accueilli, en 2023, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et ses partenaires venus pour des tournées de plaidoyer auprès d’autorités belges et européennes. À côté de la problématique congolaise, l’organisme a aussi poursuivi son engagement pour la démocratie et les droits humains au Burundi, à la veille des élections législatives locales de 2025 et présidentielles de 2027.
Maintenant son attention sur la question de l’extraction minière, l’association a organisé en 2023 un voyage d’information au Sud-Kivu, pour y rencontrer des actrices et acteurs divers, responsables d’ONG, juristes, universitaires, ecclésiastiques, ancien membre du gouvernement, etc., y récoltant de quoi relayer les messages de ses partenaires internationaux et questionner la dépendance en métaux de notre société auprès de ses publics en Belgique. Préoccupation identique à propos de l’extractivisme pour un voyage effectué au Pérou, avec une volonté de découvrir et mieux comprendre sur le terrain la réalité de l’extraction minière et ses conséquences sur le pays.
Un outil pédagogique sur la réconciliation des mémoires
En 2023, Justice et Paix a publié un nouvel outil pédagogique sur le travail de mémoire, sous l’angle de la guerre civile espagnole et de la colonisation belge. Intitulé « Mémoriaction : la réconciliation des mémoires », cet outil qui allie théorie, animations et vidéos se centre sur la question de la mémoire, fondamentale dans les contextes post-conflits. Cette problématique, ainsi que celle de l’exploitation des ressources, de la migration ou des conflits internationaux, forment le corps de cinq formations citoyennes et enseignantes que Justice et Paix propose en tant qu’ONG et association d’éducation permanente.
En 2023, l’association a également publié 27 articles d’analyse, portant tour à tour sur des questions comme le genre, les enjeux économiques, l’environnement, les conflits, citoyenneté et mouvements sociaux, etc. Durant la même année, une étude a abordé le thème des enjeux de la (re)militarisation de l’Europe et du fonctionnement de l’industrie de l’armement, tout en apportant une perspective critique par rapport à ces questions. En s’interrogeant sur le pacifisme, cette étude aborde aussi le concept d’une culture de paix engagée, citoyenne, active et concrète, orientée vers le respect des droits humains, du droit international et de la démocratie.
Dominique Watrin
Le rapport d’activités 2023 de Justice et Paix est consultable et téléchargeable via le lien suivant : https://www.justicepaix.be/rapport-dactivites-2023/