Un mémorandum publié par le CAI namurois dresse un tableau de recommandations préelectorales, accompagnées d’indicateurs de leurs coûts
Les élections communales et provinciales sont l’occasion pour les acteurs de terrain de formuler noir sur blanc une série de recommandations, en lien avec leurs missions, à l’adresse des futurs élus. Pour la province de Namur, le CAI (Centre d’Action Interculturelle de Namur) n’a pas dérogé au principe, saisissant l’occasion de dresser une liste des propositions concernant plusieurs secteurs qui figurent au premier rang de ses priorités. Un document d’une quarantaine de pages qui recentre, sur le territoire provincial, les recommandations du mémorandum collectif, plus généraliste, rédigé par l’ensemble des centres régionaux d’intégration de La Wallonie.
La démarche d’élaboration du mémorandum du CAI a pris forme en deux temps. La première étape de celle-ci a été la construction et la diffusion, dans tout le réseau, d’un premier sondage en ligne établi sur base de constats actualisés et de propositions de recommandations portant sur sept thématiques ayant trait aux droits fondamentaux. La deuxième étape a été une rencontre entre actrices et acteurs du réseau, destinée à construire le futur mémorandum, après une compilation des résultats pour en dégager les tendances. Il ne restait plus ensuite au centre régional d’intégration qu’à soumettre l’ensemble du document aux futur.e.s candidat.e.s et à le mettre à disposition des communes et de la Province pour « penser ensemble la mise en œuvre concrète de ces recommandations en les adaptant à leurs réalités respectives ».
Une série de thématiques transversales
La première partie de ce mémorandum local met en avant un ensemble de propositions relatives à des thématiques transversales. Celles-ci sont au nombre de huit : adopter une approche intersectionnelle dans la construction et la mise en place de politiques publiques communales et provinciales, rapprocher les services communaux et provinciaux des usagers et des lieux de vie, mettre en place une politique de promotion de la diversité au sein des services des administrations communales et provinciale, réduire les inégalités sociales numériques à l’échelon communal et provincial et encourager l’accès aux nouvelles technologies pour tou.te.s, offrir un accès aux services publics, peu importe la langue ou la culture d’origine, penser la mobilité des personnes et déployer des solutions, soutenir les organisations de terrain, et enfin, faire le relais de problématiques communales et provinciales vers d’autres niveaux de pouvoirs concernés, notamment en ce qui concerne l’accès aux droits fondamentaux des personnes étrangères et les discriminations raciales.
Sept chapitres, correspondant à autant de thématiques spécifiques, prolongent le volet consacré aux thématiques transversales du mémorandum. La première de ces thématiques est celle du logement et de l’habitat sain. Après avoir dressé un constat général, comme dans les thématiques suivantes, ce volet dresse une série de recommandations. Celles-ci portent sur quatre niveaux : la discrimination au logement sur base des critères raciaux, la promotion et l’accès au logement, le sans-abrisme et les gens du voyage. Sans entrer dans des énumérations fastidieuses, la volonté est sans surprise de faciliter l’accès au logement, à la fois par la sensibilisation, par un renforcement des contrôles, par de l’investissement et du refinancement, par un travail d’information, etc.
Santé, politiques de diversité, lutte contre le racisme
La deuxième thématique abordée est celle de la santé et de la santé mentale. Les pages concernées démarrent par des recommandations générales comme le renforcement de l’offre de services de santé mentale, le développement d’équipes mobiles pluridisciplinaires, l’organisation de séances d’information sur le fonctionnement des services de santé, et le renforcement de la médiation interculturelle et de l’interprétariat. S’ajoutent à ces dernières des recommandations relatives à l’aide médicale urgente (AMU) comme l’harmonisation des pratiques des CPAS dans le domaine, l’accès à une information minimale la concernant, et le renforcement des collaborations dans le domaine, entre CPAS, acteurs de terrain, maisons médicales et médecins généralistes. À noter qu’en 2022, la province de Namur comptait 16 AMU pour ses 499 454 habitants.
La troisième thématique porte sur les formations, l’insertion socioprofessionnelle et la diversité. Sur ce plan, les recommandations visent à favoriser les politiques de diversité par deux biais : la lutte contre les inégalités, notamment par des actions de communication, et l’organisation de la promotion en faveurs de la diversité culturelle à la fois dans les services publics et dans les entreprises privées présentes dans les communes. Le document signale à ce sujet qu’à Namur, le taux d’emploi est de plus de 65% pour les personnes belges, de 60% pour les personnes étrangères d’origine européenne et de moins de 45% pour les personnes issues de pays tiers.
La quatrième thématique se centre sur la lutte contre le racisme et les discriminations. Les recommandations de base sur le sujet sont d’encourager et soutenir la mise en place d’actions et de mesures sur le thème, de condamner tout acte de racisme, d’élaborer des plans de lutte contre le racisme, d’offrir aux professionnels des outils pour déconstruire les stéréotypes et les préjugés, de vérifier le respect de la législation anti-discrimination, et enfin, de favoriser l’accès aux associations sportives et culturelles, ainsi qu’aux comités de quartier, à tous sans distinction d’origine.
Interculturalité, accueil, jeunesse
La cinquième thématique du mémorandum vise l’interculturalité et le vivre ensemble. Les recommandations sont au nombre de six dans ce chapitre : promouvoir la richesse de la diversité culturelle présente sur le territoire local, poursuivre les efforts entrepris dans le cadre des motions commune/province hospitalière, développer une fonction de référent interculturel au sein de l’administration communale, mentionner l’intégration des personnes étrangères et la promotion de l’interculturalité dans les matières suivies par l’échevinat de la cohésion sociale, encourager le travail social au sein des quartiers, et enfin adhérer au CAI.
La sixième thématique concerne l’accueil, ainsi que l’accompagnement social, administratif et juridique. Au sein de ce volet, les recommandations sont simples. Il s’agit tout d’abord de veiller au bon accueil des personnes primo-arrivantes, via des permanences spécifiques et l’adaptation des supports et outils de communication des services publics. Il s’agit ensuite de mettre en place et visibiliser un guichet unique d’information à propos des services présents sur la commune, d’instaurer des dispositifs permettant à chacun.e de connaître ses droits et les procédures qui y sont liées, de proposer des formations portant sur les matières en lien avec les étrangers aux agents des services population et état civil des communes, de travailler avec les services de police afin de faire de la commune un espace de sécurité pour les personnes en séjour irrégulier, et enfin, de renforcer et favoriser l’accès à un dispositif d’interprétariat professionnel.
La septième thématique abordée est celle de la petite enfance, de l’enfance et de la jeunesse. Dans ce domaine, les principales recommandations sont de créer de nouvelles structures d’accueil de la petite enfance et d’épauler celles qui existent, de soutenir les milieux d’accueil développant des projets participatifs, d’encourager la mise en place de dispositifs supplémentaires à l’issue des classes DASPA (Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants) pour les jeunes en besoin d’accompagnement spécifique, et enfin, d’offrir aux enfants la gratuité d’accès aux activités extrascolaires proposées par les communes et la Province.
Des indicateurs des coûts des mesures
La dernière partie du mémorandum reprend un récapitulatif des mesures, augmenté de deux notations correspondant à autant d’indicateurs des coûts des mesures. Le premier de ces indicateurs stipule l’ordre de grandeur du coût financier et énergétique de chaque mesure recommandée. Le choix est établi entre trois indicateurs : ne nécessite pas de dépense financière, nécessite peu de dépense financière et nécessite une dépense financière importante. Le second indicateur porte sur la mobilisation des ressources humaines. Sur ce plan, trois options évaluatives existent : nécessite peu ou pas de mobilisation de ressources humaines, nécessite une mobilisation moyenne de ressources humaines et nécessite une mobilisation importante de ressources humaines.
Dominique Watrin
Le document du CAI « Mémorandum en vue des élections communales et provinciales 2024 » est consultable et téléchargeable via le lien suivant :
https://cainamur.be/wp-content/uploads/2024/03/2024_memorandum-elections-CAI_VF_WEB.pdf