Une étude de l’ULB se penche sur les carrières d’insertion socioprofessionnelle des primo-arrivants
Cerner les carrières migratoires des primo-arrivants afin de permettre le pilotage des politiques publiques, la mission du projet Newcomers était un défi de taille. La recherche réalisée par une équipe de l’ULB, sous la houlette de l’AMIF (le Fonds asile, migration et intégration) du Fonds social européen (FSE), a donné lieu à un rapport de présentation des résultats publié fin 2022. Une quarantaine de pages qui tentent d’appréhender un peu plus une réalité peu connue…
Le travail cosigné par l’équipe de recherche composée d’Andrea Rea, Morgane Giladi et Antoine Roblain, visait à coupler deux approches de l’insertion socio-professionnelle des primo-arrivants. Il y avait, d’une part, une approche « objective » évaluant les positions occupées sur le marché du travail, les facteurs explicatifs des différents schémas d’intégration et l’importance du temps. Il y avait, d’autre part, une approche « subjective » axée sur les aspirations poursuivies, les difficultés rencontrées et la dimension « capacitante » des dispositifs d’intégration.
Des pistes d’amélioration des politiques publiques
Globalement, l’AMIF poursuit quatre buts. Le premier est de renforcer et développer tous les aspects d’un régime d’asile commun en Europe. Le deuxième est de soutenir la migration légale vers les États membres. Le troisième est de promouvoir des stratégies de retour équitables et efficaces dans les États membres. Et enfin, le quatrième est d’accroître la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres. Le programme belge est approuvé par la Commission européenne ou par les États membres et mis en œuvre par l’Agence FSE, pour son volet intégration, au niveau de la Belgique francophone.
L’objectif du projet Newcomers, centré plus précisément sur le domaine de l’emploi, prenait spécialement en considération l’évolution temporelle des primo-arrivants avec des axes de comparaison selon le motif de délivrance de premier permis de séjour : réfugié.e, regroupement et régularisation. L’idée était de permettre de fournir des pistes d’amélioration des instruments de monitoring des politiques publiques entourant l’intégration des primo-arrivants en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Trois groupes cibles
Que retenir de ce rapport sur le plan des carrières d’insertion socio-professionnelle ? La population analysée par la recherche est subdivisée en trois groupes (regroupement, réfugiés et régularisés), avec des nuances dans les résultats. Au niveau du personnes relevant du regroupement familial, plusieurs constats sont dressés. Le premier est que les chances d’entrer rapidement sur le marché du travail est plus important pour les hommes que pour les femmes. Le deuxième est que les chances d’entrer rapidement sur le marché du travail est plus important pour les personnes résidant en Flandre. Le troisième est que les personnes en couple avec enfants ont presque quatre fois moins de chances de suivre une insertion rapide sur le marché du travail que les personnes en couple sans enfant. De même, les personnes célibataires avec enfants ont moins de chances d’avoir une carrière active que les personnes en couple sans enfant. Enfin, les ressortissants d’Afrique subsaharienne et d’Asie de l’Ouest ont davantage de chances d’avoir une carrière active par rapport aux individus d’Afrique du Nord.
Du côté des réfugiés, les hommes ont deux fois plus de chances d’avoir une carrière de type active, tandis que résider en Wallonie ou à Bruxelles plutôt qu’en Flandre diminue les chances d’avoir une carrière active. Avantage aussi aux célibataires sans enfant par rapport aux couples sans enfant, alors que l’avantage va aux personnes en couple plutôt qu’aux célibataires pour les individus avec enfants. Enfin, concernant la nationalité, même constat que pour les individus relevant du regroupement familial : les personnes d’Afrique subsaharienne et d’Asie de l’Ouest ont davantage de chances d’avoir une carrière active que celles d’Afrique du Nord.
Au sein du troisième et dernier groupe cible, celui des régularisés, plusieurs petites nuances apparaissent. Les hommes y ont ainsi moins de chances d’avoir une carrière de type active que les femmes. Résider en Wallonie plutôt qu’en Flandre diminue les chances d’avoir une carrière active, alors qu’il n’y a cette fois pas de différence significative entre les individus résidant en Flandre et à Bruxelles. Les individus célibataires avec enfants ont deux fois moins de chances d’avoir une carrière active par rapport aux couples sans enfant, alors que, sans surprise, être en couple avec enfants diminue les chances d’avoir une carrière active par rapport au fait d’être en couple sans enfant. Au niveau de la nationalité d’origine, les individus d’Amérique latine ont trois fois plus de chances d’avoir une carrière active que ceux originaires d’Afrique du Nord. Enfin, la durée de la procédure de régularisation augmente les chances d’avoir une carrière active tandis que l’âge la diminue, de même que le fait de ne pas avoir obtenu la nationalité belge dans les trois ans après la régularisation.
Des éléments de réponse en vue
L’étude repose sur un questionnaire soumis à un échantillon de primo-arrivants. Il s’agit d’une approche méthodologique quantitative permettant notamment de considérer la diversité du public du parcours d’intégration dans l’analyse de ses attitudes et de sa perception du dispositif. Cette enquête a porté plus précisément sur un groupe de 800 participant.e.s âgé.e.s de 18 à 68 ans (pour un âge moyen de 38 ans), composé de 475 (60%) de femmes et 291 (37%) d’hommes, le reste des personnes n’étant pas identifiées sur base de ce critère.
Le titre de séjour ce ces personnes était essentiellement dû, dans l’ordre, à un regroupement familial (42,4%) et à une protection internationale (36,5%). Leur situation professionnelle relevait, elle, par ordre décroissant, du groupe des sans emploi bénéficiant du CPAS (29,5%), des personnes sans emploi, ni chômage, ni CPAS (19,2%) et des gens bénéficiant d’un CDI (12,2%). Leur niveau d’éducation s’échelonnait du niveau secondaire général (25%), du niveau baccalauréat universitaire ou équivalent (21%), du niveau secondaire professionnel (16,90%) et du niveau primaire (15%), bien loin devant le niveau universitaire (8,70%).
On peut identifier six volets du questionnaire de cette étude : le volet sociodémographique (pays d’origine, situation socioéconomique, etc.), la trajectoire migratoire (motivation migratoire, situation légale, voie d’entrée, etc.), la perception des conditions de vie (soucis, satisfaction, etc.), l’environnement social (soutien social, contact interculturel, perception de discrimination, etc.), les relations avec les institutions (niveau de confiance, perception de discrimination institutionnelle, etc.), ainsi que les perceptions et attitudes envers le parcours d’intégration (motivation, intérêts perçus, etc.). Globalement, la suite de l’enquête devrait donc apporter des éléments de réponse à propos, entre autres, des typologies du public du parcours d’intégration, de la description des difficultés et des apports perçus du parcours d’intégration, et des déterminants de l’inclusion socioprofessionnelle.
Jusqu’en avril prochain, l’équipe de recherche de l’ULB continuera à diffuser et récolter les questionnaires d’enquête, tout en développant un outil d’entretien qualitatif permettant d’approfondir certains points de cette enquête. Avec une volonté de faire perdurer les collaborations autour de l’évaluation du parcours d’intégration à partir du regard des publics…
Dominique Watrin
Le rapport peut être consulté et téléchargé via le lien suivant : https://fse.be/index.php?id=2936&utm_campaign=Lettre%20info%20AFSE%2011-22&utm_medium=email&utm_source=Actito&actId=ebwp0YMB8s2MN1RydLK7VtUcvuQDVN7alUaprjO3SW90SVGouFRqw9YDA54fBRas&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=501230