Mémorandum pour l’intégration des personnes étrangères
Recommandations des acteurs sectoriels wallons en vue des élections régionales, communautaires et fédérales de 2024
Le monde d’aujourd’hui est confronté à de nombreux défis qu’il va devoir surmonter pour assurer des conditions de vie dignes pour l’ensemble des populations à l’avenir.
En Belgique, les crises se succèdent et la numérisation d’une grande partie des services s’accélère, entraînant le développement d’une société clivée, où les inégalités se creusent et où de plus en plus de personnes sont réduites à vivre en marge de la société voire en sont exclues.
Or, sans cohésion sociale, définie par la Région wallonne comme « l’ensemble des processus, individuels et collectifs qui contribuent à assurer à chacun l’égalité des chances et des conditions, l’équité et l’accès aux droits fondamentaux et au bien-être économique, social et culturel, et qui visent à construire ensemble une société solidaire et coresponsable pour le bien-être de tous », il ne peut y avoir de justice sociale, de stabilité démocratique et encore moins de développement durable. Elle est, en outre, une condition incontournable pour garantir l’État de droit.
L’intégration des personnes étrangères, telle que développée dans les politiques régionales jusqu’à présent, s’inscrit dans le champ de l’Action sociale et met en œuvre les mêmes principes que la Cohésion sociale. Il s’agit, sur le plan individuel, de développer l’autonomie des personnes qui arrivent sur le territoire et de leur faciliter l’accès aux droits fondamentaux. Cependant, l’intégration dépend aussi de la capacité de notre société à susciter, entre des personnes ayant des ancrages socioculturels différents, un vivre ensemble solidaire fondé sur des façons partagées de vivre en société et le respect des diversités individuelles et collectives. Sur le plan collectif, il s’agit donc de favoriser la construction d’un vivre ensemble interculturel à travers les échanges positifs entre les membres des différentes
communautés qui composent la société belge.
Pour l’Europe, pour la Région wallonne, comme pour les acteurs du secteur, cette conception de l’intégration à double sens, reposant à la fois sur les personnes étrangères et sur la société d’accueil, est la seule qui garantit une insertion sociale réussie des personnes primo-arrivantes.
Dans le cadre des prochaines élections régionales, communautaires, fédérales, européennes et communales, nous, les Centres Régionaux d’Intégration et les fédérations d’ILI (Initiatives Locales d’Intégration)1, souhaitons réaffirmer notre attachement à cette vision de l’intégration et encourager les futurs gouvernements à assurer son inscription dans leurs réflexions comme dans leurs décisions.
Nous souhaitons également attirer l’attention sur certains freins et obstacles que rencontrent les personnes étrangères en Région wallonne et qui les empêchent de participer à la vie économique, sociale, politique et culturelle.
Dans la plupart des situations, les difficultés que rencontrent les personnes sont identiques à celles rencontrées par tout·e autre citoyen·ne, surtout vivant dans des conditions de précarité. Ce sont notamment :
- Des problèmes d’accès à l’emploi, au logement, aux services (publics notamment) ou encore aux soins de santé ;
- Des problèmes de mobilité dans les zones rurales ;
- Des problèmes pour faire garder leurs enfants en bas âge ;
- Des problèmes de discrimination (handicap, orientation sexuelle, âge, fortune, état civil, convictions politiques, religieuses ou syndicales, état de santé, caractéristiques physiques ou génétiques, naissance, origine sociale).
S’y ajoutent, en sus, des spécificités qui leur sont propres :
- Des problèmes liés à la langue ;
- Des problèmes liés à la méfiance qui leur est portée sur fond de stéréotypes ou de préjugés ;
- Mais aussi des problèmes de discrimination et de racisme (les critères dits « raciaux » : la prétendue race, la couleur de peau, la nationalité, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique, ainsi que d’autres critères tels que les convictions philosophiques ou religieuses).
Des solutions existent pour remédier à ces difficultés. Le présent document reprend les nombreuses recommandations que formulent les fédérations d’ILI et les Centres Régionaux d’intégration, acteurs clés de la politique wallonne d’intégration, quant à l’accès aux droits fondamentaux et à la construction d’une société inclusive et harmonieuse. De manière générale, nous souhaitons que le futur Gouvernement régional mette une priorité sur les questions de vivre ensemble, de fracture numérique, d’exercice de la citoyenneté et de lutte contre le racisme et les discriminations. Nous plaidons pour de la transversalité et des mesures spécifiques aux différentes compétences régionales (emploi, formation, logement…) voire ressortant d’autres niveaux de pouvoir (séjour, nationalité,
reconnaissance de diplôme…).
En cohérence avec ces ambitions politiques, nous formulons une série de constats et de propositions en vue de renforcer le secteur de l’intégration en Wallonie. Celui-ci en a grand besoin. De nombreux opérateurs professionnels, en particulier les ILI, souffrent en effet d’une insécurité et d’un sous-financement chroniques qui pénalisent leurs publics et leurs travailleur·euses. Nous invitons dès lors les futurs mandataires wallons à agir en faveur :
- Du déploiement d’une offre de services adaptée à la demande émanant des publics étrangers et d’origine étrangère résidant sur le territoire ;
- D’un investissement accru sur des axes d’intégration trop peu investis (interculturalité, insertion socioprofessionnelle) ;
- Du renforcement des opérateurs par le biais d’une véritable reconnaissance structurelle et d’un subventionnement à la hauteur des moyens engagés pour mettre en oeuvre leurs activités ;
- D’une gouvernance plus collaborative, d’une valorisation des professionnel·les du secteur et d’une concertation constructive avec leurs représentant·es.
—ALEAP, CAIPS, CODEF, COPILI, DisCRI, FdSS, Risome, Setisw
- ALEAP, CAIPS, CODEF, COPILI, FdSS et Risome ↩︎