Deux vidéos de Lire et Écrire pour accrocher les oubliés du numérique au monde de demain
Chaque année, le 8 septembre, une semaine exactement après la date officielle de la rentrée scolaire, le monde célèbre la Journée internationale d’alphabétisation. Pour l’association Lire et Écrire, cette date-clé est l’occasion de mettre le focus sur un fléau qui frappe approximativement un adulte sur dix en Belgique. Des personnes étrangères ou d’origine étrangère, mais aussi des Belges chez qui le rapport à la lecture et à l’écriture est problématique, entravant considérablement leur rapport à l’autre et au monde. Pour l’édition 2021 de sa campagne annuelle de sensibilisation, Lire et Écrire a choisi de se concentrer sur celles et ceux qu’on appelle « les oubliés du numérique ». Avec, pour l’occasion, la réalisation de deux courtes vidéos intitulées « Delete » et « Enter ».
Le chiffre selon lequel 10% des adultes de notre pays sont concernés par des difficultés avec les savoirs de base en matière de lecture et d’écriture est une estimation. Établie par la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette projection qualifiée de « prudente » paraît même relativement basse si on la compare aux résultats obtenus dans des régions et pays proches. Quelques données viennent étayer cette hypothèse. Une enquête de 2013 annonçait, par exemple, qu’en Flandre, un taux de 14% de personnes âgées entre 16 et 65 ans avaient des difficultés à comprendre des textes suivis. Plus récemment, en France, une étude réalisée en 2019 indiquait que 11,8% des jeunes âgés de 16 à 25 ans participant à une journée « défense et citoyenneté » rencontraient des difficultés dans le domaine de la lecture, près de la moitié d’entre eux (5,3%) étant même considérés en situation d’illettrisme. Enfin, pour ce qui est de la Fédération Wallonie-Bruxelles, une enquête de 2016 a montré que ses élèves de 4ème primaire étaient les plus faibles lecteurs parmi leurs homologues de 31 pays, dont 23 européens. Et 8% des élèves de cet échantillon n’atteignaient pas le niveau de compréhension le plus élémentaire de l’échelle, soit 2% de plus qu’en 2011.
Dénoncer le numérique exclusif
Pour les personnes qui vivent toutes ces difficultés spécifiques à lire et à écrire, l’extension de la présence du numérique dans la vie quotidienne est un nouvel écueil. Et face à cette nouvelle société numérique qui ne leur fait pas de place, elles perdent bien souvent des droits essentiels ou y renoncent. Vivant néanmoins dans ce monde connecté, ces personnes souhaitent cependant y vivre une existence à part entière. C’est la raison pour laquelle Lire et Écrire a axé sa campagne annuelle 2021 sur cette réalité qui se cache derrière l’appellation générique de « fracture numérique ». Deux courtes vidéos titrées « Delete » et « Enter » donnent une voix et une réalité à cette problématique brûlante.
La première vidéo, « Delete », expose en 1’42’’ à quel point « le numérique exclusif est excluant ». Elle énonce concrètement combien aujourd’hui ne pas savoir remplir un formulaire en ligne, télécharger un document, ouvrir un e-mail, etc. peut signifier ne pas bénéficier d’une allocation de revenus, ne pas inscrire son enfant à l’école ou ne pas savoir prendre un rendez-vous médical. Se débrouiller seul face à une machine sans contact humain, mais aussi sans imprimante, sans lecteur de carte, etc. est un chemin de croix qui nécessite en permanence l’appel à un proche, qu’il soit parent, ami ou autre. De plus, la numérisation croissante des services publics et privés qui s’est accélérée suite à la crise sanitaire a plongé une partie de cette population dans des immenses difficultés d’accès à des ressources de base. L’accès à la vaccination contre la Covid a été l’illustration la plus marquante de ce phénomène.
Défendre une société numérique inclusive
S’appuyant sur le slogan de « pour une société numérique inclusive », « Enter », la seconde vidéo, diffuse sur 2’01’’ un message qui se veut plus politique en dénonçant la dérive du tout au numérique et l’omniprésence de l’outil informatique et du « tout en ligne » au détriment du contact humain, notamment dans les services publics. La courte séquence le dit clairement : « On ne va pas revenir en arrière, mais il faut qu’on soit formés, qu’on nous laisse la possibilité d’apprendre le numérique. » La campagne dénonce donc les problèmes rencontrés par les personnes qui ne disposent ni des outils ni des usages suffisants pour se débrouiller dans un monde ultra numérisé, mais elle veut aussi faire entendre leur voix et ce qu’elles souhaitent pour le monde connecté de demain.
Lire et Écrire adresse, dès lors, deux recommandations fortes aux pouvoirs publics. La première et de « mettre en place un plan ambitieux de lutte contre la fracture numérique qui prend en compte les personnes en difficulté avec la lecture et l’écriture » qui « doivent pouvoir disposer d’un ordinateur et d’une connexion Internet à prix décent ». L’association invite dans la foulée à « financer plus largement la formation et l’accompagnement de ces publics aux usages des nouvelles technologies ». La deuxième recommandation demande de « garder des services publics accessibles à toutes et à tous, en adéquation avec le droit constitutionnel et l’égalité de traitement » et de « conserver des guichets permettant un accompagnement et un accueil de qualité dans l’ensemble des services publics et d’intérêt général (banques, hôpitaux, mutuelles, etc.) ». Des revendications qui vont bien au-delà du débat technique de base…
Dominique Watrin
Les vidéos Delete et Enter sont visibles sur le site Internet de Lire et Écrire, via le lien suivant : https://lire-et-ecrire.be/Les-oublies-du-numerique-2021
Elles sont aussi visibles sur Youtube, vie les liens https://www.youtube.com/watch?v=CXNEP77azPQ et https://www.youtube.com/watch?v=XxAf6y_CM-g.