L’accompagnement des migrants en transit : une coordination wallonne pour épauler les associations et les collectifs de citoyens
Tant sur le plan juridique, administratif, logistique ou tout simplement humain, la thématique des migrants en transit est un véritable casse-tête à la fois pour leur pays de passage et pour les intéressés eux-mêmes. Dans une séance d’information en visioconférence, le CRIPEL (Centre régional d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège) s’est penché sur cette épineuse question en présentant deux acteurs institutionnels impliqués dans la gestion de cette problématique en Wallonie : la Coordination wallonne des Collectifs et Associations en soutien aux Migrants en transit, active au niveau régional et la plateforme provinciale « Migrants en transit » qui opère sur le territoire liégeois.
La question des migrants en transit est un peu une énigme dans le paysage des migrations. Cette appellation désigne les personnes en cours de migration qui ne sont que de passage dans un pays, en attente de rejoindre leur destination finale qui, dans le cas de la Belgique, est le plus souvent, pour ne pas écrire quasi-exclusivement, l’Angleterre. En route vers cette destination finale qui les aimante pour différentes raisons (la langue, la présence d’une famille et d’une communauté d’origine, la connaissance à distance du pays, l’absence de contrôles d’identité s’il n’y a pas de délit commis, etc.), ces personnes de passage n’introduisent aucune demande de séjour, n’entament aucune procédure de demande d’asile en Belgique, en vertu de la règle qui veut que c’est le premier État d’entrée dans l’espace européen qui traite la demande des migrants. S’efforçant de vivre incognito dans l’attente d’un passage vers leur destination, ces personnes échappent donc totalement aux radars administratifs et sociaux, et à toute forme d’aide matérielle et financière puisqu’elles n’ont aucune existence légale.
Un appel à une réponse structurelle
L’histoire de l’émergence de la Coordination wallonne des Collectifs et Associations en soutien aux Migrants en transit est l’exemple parfait de l’influence de l’engagement citoyen sur l’action politique. En 2018, la question migratoire est très présente dans l’agenda politique belge, et les actions et prises de position très à droite du Secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations de l’époque, Theo Francken, se multiplient avec la proposition de loi sur les visites domiciliaires, l’arrestation de sans-papiers, le procès d’hébergeurs, etc. Dans le même temps, en province de Namur et de Luxembourg, des personnes sont interpellées par le sort des nombreux migrants en transit en errance à proximité de chez elles, le plus souvent aux abords d’aires de repos d’autoroute. Venus d’Érythrée, du Soudan, d’Éthiopie, de Somalie, de Libye, d’Irak, de Syrie, etc., ces migrants vivent dans l’attente d’un hypothétique passage clandestin en Angleterre.
Face à cette situation humanitaire précaire, des citoyens se mobilisent donc. Avec l’appui d’associations actives sur le terrain, des initiatives concrètes, comme la fourniture de vivres et de vêtements, voient le jour pour venir en aide à ces personnes et familles de passage à raison de 150 à 180 individus par jour dans la province de Namur et d’une trentaine en province du Luxembourg. Mais les bénévoles constatent très vite les limites de leurs interventions et se tournent vers les pouvoirs publics afin que des décisions politiques soient prises. C’est à cette occasion que le CAI (Centre d’Action Interculturelle de Namur) est contacté. Immédiatement, il entreprend de mettre les opérateurs en réseau sur le territoire de chaque commune de son ressort, tout en faisant le lien entre les initiatives existantes autour de Namur. Sept associations unissent alors leurs efforts, rejointes par les collectifs citoyens.
Les préoccupations communes de ces partenaires sont de sensibiliser le grand public et d’aider chaque collectif dans ses besoins spécifiques, tout en servant de relais avec les associations de terrain et les pouvoirs locaux. Sur le plan politique, les interpellations et les contacts se succèdent à partir de fin 2018. Ils se poursuivent en 2019 tant aux échelons locaux que provinciaux et, en novembre, une première rencontre établit concrètement le rapprochement entre les opérateurs des provinces de Namur et de Luxembourg. La Région wallonne est également sollicitée. Il lui est demandé de venir en aide à ce public spécifique des migrants en transit dont les droits fondamentaux ne sont pas respectés et d’interpeller tant le gouvernement fédéral que les pouvoirs locaux afin qu’une réponse structurelle soit apportée à la détresse de ces migrants.
Pérenniser les actions
Fin 2019, face à la nécessité d’apporter un nouveau souffle à ce combat pour les migrants en transit, l’idée de créer un organisme chargé de coordonner et piloter les actions voit le jour. Après différentes interpellations et entrevues, naît la Coordination wallonne des Collectifs et Associations en soutien aux Migrants en transit chargée de représenter les collectifs et associations des cinq provinces concernées. Suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19, la nouvelle coordination concentre d’emblée son effort sur la question de l’urgence sociale. Il s’agit notamment de rechercher des moyens financiers pour appuyer les collectifs, de développer un plaidoyer auprès des pouvoirs locaux et provinciaux pour l’ouverture d’abris de confinement, et de participer à la task force wallonne d’urgence sociale coronavirus.
Enfin, en septembre 2020, les premiers actes politiques officiels sont posés sous la forme d’une circulaire régionale relative à la situation des personnes migrantes en transit qui est envoyée par l’administration wallonne à tous les pouvoirs locaux. Le but est de sensibiliser ceux-ci au sort de ces personnes et de les inviter à leur assurer un traitement digne, un accès aux droits fondamentaux et une protection. Le mois suivant, une subvention exceptionnelle de la Wallonie, liée à la crise sanitaire, est versée à la coordination wallonne pour soutenir les besoins urgents des collectifs et associations en matière d’accès au logement, à l’aide médicale urgente, etc. En mai 2021, la campagne de vaccination est organisée avec le soutien des collectifs citoyens et, le mois suivant, une deuxième subvention exceptionnelle est attribuée au DisCRI (Dispositif de concertation et d’appui aux Centres Régionaux d’Intégration de La Wallonie), toujours dans le cadre de la crise sanitaire.
Les objectifs actuels de la coordination restent clairs. Il s’agit de pérenniser les actions engagées durant ses deux années d’existence, de poursuivre la collaboration avec les collectifs, associations, ainsi que les pouvoirs publics, de donner une visibilité à l’urgence sociale de la situation, de relayer constats, besoins et revendications des différents acteurs impliqués et, enfin, d’induire une approche globale de la prise en compte de thématiques spécifiques (aide alimentaire, aide médicale urgente, accompagnement socio-juridique, accompagnement en santé mentale, formation des bénévoles, sensibilisation de la population).
Cinq axes de soutien aux collectifs
Aux côtés de cette coordination wallonne, il existe en terre liégeoise une plateforme provinciale qui a pour souci d’être complémentaire à ce qui existe et d’offrir différents services. Pour les Centres régionaux d’Intégration dont les migrants en transit ne font pas partie du public habituel, cinq axes ont été définis dans l’optique d’un soutien aux collectifs d’aide aux migrants en transit. Le premier de ces axes est celui de la santé et de l’aide médicale urgente ; il s’agit tout à la fois d’informer sur la vaccination et sur la prise en charge des soins médicaux par les CPAS. Le deuxième axe est l’accompagnement juridique, avec l’appui d’un juriste qui informe les collectifs sur les droits des migrants concernés et de leurs hébergeurs. Le troisième axe concerne l’hébergement et la logistique ; il comprend un travail de lobbying, notamment auprès des communes, pour que des locaux soient mis à leur disposition. Le quatrième axe porte sur les relations avec les autorités locales et les zones de police, à travers notamment une information et une sensibilisation sur la question. Enfin, le cinquième axe, plus large, consiste en un travail de sensibilisation de toutes les personnes touchées par la question des migrants en transit.
Dans les projets en vue aujourd’hui figurent l’organisation de séances d’information et l’édition d’un dépliant à double destination des migrants et des professionnels en contact avec eux. Pour les premiers, le document reprendra une série d’adresses utiles. Pour les seconds, il s’agira de relayer les services de première ligne à même d’aider les migrants à régler un problème précis, comme, par exemple, disposer d’une aide psychologique.
Dominique Watrin
Information et contact sur la coordination :
Line.gerbovits@discri.be ou https://www.facebook.com/coordinationwallonneMETDisCRI/