Le PLI 2023 pour la région de Liège, Huy et Waremme : des pistes d’action énoncées et des recommandations adressées à tous les étages du pouvoir
Si la période de fin d’année est traditionnellement celle des réjouissances qui l’accompagnent, pour la région liégeoise, l’édition de 2023 a été l’occasion, pour le CRIPEL (Centre régional d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège), de dévoiler les contours de son Plan Local d’Intégration (PLI). Le document de synthèse présenté officiellement il y a peu dresse les « enjeux et perspectives du secteur de l’intégration à Liège, Huy et Waremme », faisant suite à une démarche exploratoire menée durant plus d’une année, sur les 55 villes et communes des trois arrondissements concernés. Un document composé de constats, de pistes d’action et de recommandations affirmées.
Le document de synthèse d’une petite dizaine de pages, prélude à un rapport final complet, est structuré en trois parties : le diagnostic des besoins, une proposition de plans d’actions réparties entre les intervenants susceptibles de les mettre en œuvre et une série de recommandations adressées aux différents niveaux de pouvoir. L’idée générale était de rassembler l’ensemble des parties prenantes dans une dynamique participative impliquant tout à la fois les personnes étrangères, les professionnel.le.s du secteur de l’intégration, le secteur associatif élargi et les pouvoir publics.
La méthodologie de la démarche du CRIPEL comprenait un volet quantitatif confié à l’IRFAM (Institut de Recherche, Formation et Action sur les Migrations) et un volet qualitatif mené par le CEDEM (Centre d’Etudes de l’Ethnicité et des Migrations). Plus de 400 organismes liégeois ont été sollicités dans ce cadre, permettant de recueillir 101 réponses, parmi lesquelles celles de 42 structures ILI (Initiatives Locales d’Intégration), 22 CISP (Centres d’Insertion Socio-Professionnelle) et 21 communes (40% de celles concernées). Deux tiers de ces structures se situaient sur le territoire de la Ville de Liège et 60% disposaient d’un public majoritairement immigré (à savoir, plus de 50%).
Par ailleurs, 11 focus groups ont été organisé avec un total de 92 personnes étrangères ou d’origine étrangère dans les ILI, en incluant une volonté de représentativité territoriale et de représentation thématique (FLE, citoyenneté, interculturalité, ISP, etc.), tandis que 5 tables de discussion, organisées au départ de ces mêmes plateformes réunissaient 82 professionnels. C’est cette méthodologie participative tournée vers l’action qui a permis d’établir le diagnostic des besoins, la proposition de plan d’action et la série de recommandations.
Un plan d’actions concrètes en huit axes
Qu’en est-t-il des résultats des cette démarche menée en profondeur ? Concrètement, on peut distinguer la proposition de plan d’actions concrètes et les recommandations aux différents niveaux de pouvoir. Dans le premier volet de ce travail, huit axes ou acteurs d’opérationnalisation sont ciblés.
Le premier est le CRIPEL lui-même pour lequel dix pistes sont listées : rendre les plateformes plus utiles et dynamiques, entretenir les relations avec les communes, renforcer l’offre et plaider pour davantage de formations à l’interculturalité, générer des dynamiques collectives thématiques (sur la santé, la santé mentale, l’accès au logement, etc.), réaliser un état des lieux trimestriel de l’offre et de la demande du secteur, créer un répertoire physique et numérique des organisations utiles pour les personnes étrangères et d’origine étrangère, créer et modérer un canal muet (Whatsapp ou Telegram) pour partager les activités interculturelles, culturelles et sportives sur la zone du CRIPEL, mettre en place un projet permanent de soutien (administratif, comptable…) pour les opérateurs du secteur dont les objectifs correspondent aux missions de CRIPEL, programmer une campagne annuelle de sensibilisation aux questions migratoires et enfin, mettre en place un projet permanent pour améliorer la prise en charge des MENA (mineurs étrangers non accompagnés) et ex-MENA.
Le deuxième axe d’action concerne le SeTIS (service d’interprétariat en milieu social) et il énumère trois pistes : rendre davantage visibles et accessibles ses services auprès des administrations, des différents secteur dont celui de l’intégration, et des personnes étrangères ou d’origine étrangère elles-mêmes, former les interprètes en milieu social dans les domaines des violences faites aux femmes et des problèmes de santé mentale, et mettre en place un projet de formation à l’interprétariat pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère. Le troisième axe s’adresse aux ILI et aux CISP et consiste à prévoir des cours, formations et activités à horaire décalé, à mettre en place des garderies pour les enfants et à plaider pour faire valoir, dans le financement, les temps de préparation des cours, de gestion administrative et d’accompagnement social. Pour le FLE, quatrième axe, le document cible de privilégier les moments de pratique du français en dehors de la salle de classe, de plaider pour faire valider certains types de test pour les personnes analphabètes, de renforcer l’offre en Alpha FLE, et enfin de permettre l’inscription de personnes d’origine étrangère ayant déjà obtenu la nationalité.
De la citoyenneté à l’accompagnement social et juridique
En ce qui concerne le cinquième axe, celui de la citoyenneté, les pistes sont de renforcer la mobilisation d’interprètes pour les AOC (Ateliers d’Orientation Citoyenne), de s’adapter aux besoins et intérêts des bénéficiaires au début de chaque formation et de transmettre durant les formations le fait que les apprenant.e.s deviendront des personnes de référence grâce à celles-ci. Plus volumineux, le relevé des pistes d’action du sixième axe, celui de l’ISP (Insertion Socio-Professionnelle) comprend 11 items. Citons : valoriser les parcours concomitants en consolidant les collaborations, faciliter l’accueil des formateur/trice.s d’un autre centre le temps d’une formation, créer des partenariats avec le monde des entreprises, être à l’écoute des personnes étrangères ou d’origine étrangère, mettre en place des projets d’accompagnement en équivalence des diplômes et inscriptions aux études supérieures, porter une attention aux personnes dont le séjour n’est pas en ordre, mettre en place des ateliers interculturels au sein des CISP, mettre en place des projets de duo/mentorat, développer des offres de formations numériques multilingues, et mettre en place des ateliers vélo pour les déplacements des bénéficiaires.
En interculturalité, septième axe, figurent autant de pistes, à savoir renforcer l’offre de formations, proposer des ateliers de conscientisation aux difficultés psychologiques du vécu de la migration, renforcer l’offre des projets de duo/mentorat, renforcer l’offre d’activités pour découvrir les institutions locales et favoriser les rencontres, proposer des visites de lieux et des balades, réaliser des campagnes de lutte contre les discriminations et enfin, valoriser des activités en non-mixité choisie. Et pour finir, le huitième et dernier axe, celui de l’accompagnement social et juridique, évoque cinq pistes : éviter l’assistance sociale et juridique à distance, mettre en place des permanences bénévoles pour la recherche de logement, créer un accompagnement pluridisciplinaire en santé mentale, créer un guide clair et concis pour le regroupement familial des MENA, et développer des formations numériques pour apprendre aux personnes à mener leurs démarches de manière autonome.
De la commune à l’État fédéral
Les recommandations aux différents niveaux de pouvoir que recèle le document s’adressent tour à tour, successivement, aux communes, à la Province de Liège, à La Wallonie, à la Fédération Wallonie-Bruxelles et à l’État fédéral. Au niveau de la commune, les recommandations épinglées sont au nombre de huit : renforcer la collaboration entre les projets des PCS et le CRIPEL, assurer un service en présentiel dans les communes et au CPAS, renseigner systématiquement au service des étrangers et au CPAS les personnes étrangères ou d’origine étrangère concernant le CRIPEL, dispenser des formations à l’interculturalité au nouveau personnel, embaucher du personnel au minimum bilingue au service des étrangers et au CPAS, étudier la faisabilité d’un guichet communal unique pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère, étudier la faisabilité d’une carte citoyenne communale pour tous les résident.e.s du territoire communal, revaloriser l’accompagnement social dans les missions des assistant.e.s sociales/aux des CPAS et enfin, réinvestir dans le personnel des CPAS.
Au niveau de la Province de Liège, les volontés exprimées visent à renforcer la collaboration entre la province et le CRIPEL, à faciliter l’accès aux enseignements de promotion sociale et supérieurs aux personnes étrangères ou d’origine étrangère, à organiser des événements interculturels, formations interculturelles, de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité, et pour finir, de mettre en place des campagnes de sensibilisation aux problèmes de santé mentale.
Pour ce qui relève des compétences de La Wallonie, les recommandations sont très nombreuses. Sans entrer dans des énumérations détaillées trop fastidieuses, celles-ci concernent cinq volets de compétences distincts : l’intégration, les affaires sociales, l’emploi, le logement, ainsi que le trio famille, santé et handicap. Relevons néanmoins, sur un plan plus concret, l’augmentation du délai du parcours d’intégration au-delà de 18 mois, la programmation de campagnes de sensibilisation annuelles sur la diversité des réalités migratoires et les politiques d’intégration implantées en Wallonie, ou la création d’un système informatisé pours les centres régionaux d’intégration (CRI) et les organisations agréées ILI et CISP afin de suivre les dossiers des personnes étrangères ou d’origine étrangère.
Par rapport à la Fédération Wallonie-Bruxelles, les souhaits, moins nombreux, sont au nombre de cinq : la mise en place de garderies d’enfants dans les ILI et les CISP, la réforme des conditions d’octroi des équivalences de diplômes considérées comme beaucoup trop restreintes, l’ouverture de nouvelles places dans les classes DASPA et de systèmes alternatifs pour les élèves jamais scolarisés, l’insertion de cours sur l’histoire des migrations dans les programmes scolaires de l’enseignement obligatoire, et la pérennisation des appels à projet en promotion de la citoyenneté et de l’interculturalité.
Pour l’État fédéral, les recommandations mises en avant sont de quatre au total. La première est de renforcer les connexions entre les CRI, et les centres d’accueil de demandeur.euse.s d’asile et les ILA sur leurs territoires d’action. La deuxième est d’instaurer un accompagnement à la recherche de logement à la sortie des centres d’accueil. La troisième est de ne pas officialiser le projet pilote « Tabula Rasa » d’introduire un dossier écrit de demande d’asile avant les interviews. Et le quatrième est d’accepter les demandes de permis uniques introduites par les employeur.euse.s auprès de l’Office des Étrangers.
Dominique Watrin